Vin bio, vin biodynamique, vin nature

– Et vous travaillez comment, vous ?
– Nous, oh, en tout chimique ! On désherbe au Roundup, on matraque les vignes de pesticides, puis après on blinde tout de soufre, comme ça on est sûr que les vins ne bougent pas !

Cette discussion imaginaire, on ne l’entendra (heureusement !) sans doute plus jamais. Même si la viticulture est encore une grosse consommatrice de produits phytosanitaires, l’ensemble de la filière a pris conscience que les abus des décennies passées devaient être corrigés.

Le premier pas (timide) dans la bonne direction est ce qu’on appelle l’agriculture raisonnée. L’idée est de n’utiliser que le minimum de produits chimiques … mais il n’y a pas de normes ! Chacun est donc libre d’interpréter la notion de « minimum » comme bon lui semble : on comprend vite que cela ne garantit rien .

Les vignerons qui prennent le plus soin de nous (et d’eux-même !) travaillent en bio, voire en biodynamie (dites bio-D pour avoir l’air au courant), et certains font même ce qu’on appelle des vins nature (ou naturels). Essayons de décrypter ce que cela signifie …

Le vin bio(logique)

Le vin bio est un concept relativement récent puisque, jusqu’en 2012, on ne pouvait parler que de viticulture bio : seul le travail à la vigne pouvait être certifié, alors que la vinification n’était pas prise en compte. Il n’y avait jusque là que du raisin biologique.

Depuis 2012 donc, l’ensemble de la chaîne peut être certifié selon un cahier des charges défini à l’échelle européenne.

Logo bio

Le bio à la vigne

Le premier point important est que le désherbage chimique est interdit.

Le second point, fondamental lui aussi, est qu’il est interdit d’utiliser des produits de synthèse (insecticides, fongicides …) pour protéger la vigne des insectes et champignons responsables des maladies de la vigne.

Les seuls produits autorisés sont le soufre (principalement utilisé contre l’oïdium), et le cuivre (utilisé contre le mildiou), sous forme de bouillie bordelaise. Si ce nom presque poétique laisse penser que le produit est inoffensif, il n’en est rien : son usage est limité en quantité (pas plus de 6 kg par hectare et par an, sinon … ). Quant au soufre et aux sulfites, on y consacre un autre article détaillé sur le blog (ici, très prochainement en ligne)

Le bio en cave

Quelques opérations aux noms barbares sont interdites :

  • la désalcoolisation
  • la concentration par le froid (cryoconcentration)
  • la stabilisation tartrique par moyens physiques (électrodialyse, etc …) autres que le froid

Cependant certaines opérations sont toujours autorisées, notamment :

  • l’ajout de levures
  • l’ajout de sucre (chaptalisation)
  • l’acidification (ou son contraire, la désacidification … à prononcer trois fois très vite)
  • la filtration
  • le traitement thermique par chauffage jusqu’à 70°
  • l’utilisation de copeaux

Le bio en bouteille

Le principal changement pour le consommateur est que la certification bio impose de réduire la dose de sulfites contenue dans les bouteilles par rapport au règlement européen standard :

  • pour les vins rouges le taux maximal descend de 150 à 100 mg par litre
  • pour les vins blancs secs ce taux descend de 200 à 150 mg par litre
  • pour les autres vins, notamment les liquoreux dont les taux autorisés sont plus importants, le seuil est réduit de 30 mg/litre

 


 

La biodynamie

Définir la biodynamie n’est pas chose aisée, pour commencer parce qu’il n’existe pas de règlementation européenne. Ne peut être considéré en biodynamie qu’un domaine certifié par l’un des deux organismes indépendants habilités à le faire : Demeter (qui existe depuis 1932) et Biodyvin (créé en 1995)

logo Demeter         logo Biodyvin

La biodynamie est une extension du bio : on ne peut prétendre être en biodynamie si on n’applique pas au minimum les principes de la viticulture bio. Les doses de sulfites sont en outre sensiblement réduites par rapport au règlement bio (en gros divisées par 2).

A ce prérequis s’ajoute l’application des principes enseignés par Rudolf Steiner au début du 20e siècle : il faut chercher les causes des prétendues maladies des plantes dans l’état du sol et de son environnement.

Seuls sont autorisés les composts issus de substances végétales ou animales. Une des spécificités de la biodynamie est de s’appuyer sur l’utilisation de préparations, certaines étant destinées au compost (par exemple le purin d’orties), d’autres à une pulvérisation directe sur les plantes (la plus « célèbre » étant sans doute la bouse de corne). Pour plus de détails, aller voir le paragraphe Spécificité de l’article Wikipedia (lien)

Un autre aspect important de la biodynamie est le respect des rythmes de l’univers, et notamment des rythmes lunaires et planétaires.


Le vin nature

Certains vignerons estiment que la règlementation européenne bio est trop laxiste, dans le sens où les taux de sulfites autorisés demeurent élevés, et où certaines pratiques oenologiques discutables sont toujours autorisées (voir plus haut). L’essor du mouvement nature est né de ces constats, et a conduit une « nouvelle vague » à vouloir travailler en évitant tout ce qui se révèle facultatif : l’ajout de levures pour faciliter la fermentation est l’exemple type de manipulation autorisée par le règlement bio, mais écartée par tous les vignerons nature.

C’est d’ailleurs sans doute le seul point où la définition d’un vin nature fait l’unanimité 🙂 Sur le reste le concept n’est pas réglementé, et comme le monde des vignerons nature est tout sauf homogène et recèle de fortes personnalités, il me semble peu probable qu’un consensus émerge à court terme.

Outre le levurage que l’on vient d’évoquer, de nombreuses discussions tournent autour du sulfitage. Pour rappel le soufre permet de lutter contre l’oxydation des vins, c’est donc un agent de conservation, en même temps qu’un anti-microbien.  Les plus jusqu’au-boutistes essaient de se passer complètement de l’usage du soufre, mais si la pratique se multiplie pour les vins rouges (naturellement protégés par les polyphénols qui jouent le rôle d’antioxydants), elle reste un exercice d’équilibriste pour les vins blancs.

Attention à ne pas mélanger les choses de toute façon :  un vin nature n’est pas forcément sans soufre, et un vin sans soufre n’est pas forcément nature.


Un vin bio / bio-dynamique / nature est-il meilleur ?

Ce qui est certain est qu’il est meilleur pour la santé, puisque contenant moins de sulfites et de résidus de pesticides 🙂

Ensuite le fait même d’entamer une conversion vers l’agriculture bio montre que le vigneron a pris conscience de la nécessité de mettre en place une démarche visant à améliorer la qualité de ses vins. Cela ne « garantit » pas un meilleur vin à l’arrivée, mais y participe.

Ceci dit, attention : le bio étant devenu un argument marketing, et le règlement bio étant comme on l’a vu assez peu contraignant, certains « industriels du vin » ont profité de l’occasion pour investir le créneau, tout en restant dans une logique de production de masse qui n’est pas forcément garante de qualité. On pourra par exemple lire cet article Tous les vins bio sont menacés de pasteurisation sur le site vinbio.com, où il est expliqué que l’on peut pratiquer une flash-pasteurisation (chauffage express à plus de 70°) pour traiter des raisins dont l’état sanitaire est douteux. Quand on achète un vin bio on ne s’attend pas à ça … mais en même temps c’est aussi un procédé qui permet de limiter les doses de soufre. Bref, tout est sujet à débat (autant aller en discuter sur le forum 🙂 ) Comme pour les vins conventionnels, le plus important demeure de savoir qui fait le vin : c’est aussi ce qui rend cette boisson intéressante, non ? 

La pratique de la biodynamie ou la production de vins naturels étant sensiblement plus contraignante, on peut être à peu près certain que les vignerons qui les adoptent sont beaucoup plus attentifs que la moyenne à l’état de santé de leurs vignes. Mais le peu de traitements curatifs possibles en cas de maladie avérée de la vigne ainsi que le recours à de faibles doses de soufre n’écartent pas totalement les risques.

Pour les vins très peu sulfités, s’ils ne sont pas conservés dans une cave fraîche (disons moins de 15°) une refermentation en bouteille est possible, ce qui conduit à la présence de gaz et donc à une sensation de « bulles »  (on dit perlant quand on veut être poli si on goûte devant le vigneron) qui peut être surprenante par exemple sur un vin rouge. Enfin, des défauts aromatiques accidentels sont possibles (lire à ce sujet le billet Pourquoi il pue, ce vin ? dans lequel Ophélie Neiman explique ça très bien).

 


Quelques commentaires personnels

Le terme vin naturel m’agace un peu, dans le sens où il laisse supposer que le processus d’obtention du vin est un phénomène naturel. Or ça ne l’est évidemment pas : un jus de raisin qu’on laisse évoluer naturellement finit en vinaigre. Faire du vin requiert une intervention humaine !

Concernant la biodynamie, mon côté cartésien a un peu de mal à accepter les envolées ésotériques de certains vignerons. Je suis tout à fait d’accord pour entendre quelqu’un qui me dit qu’il a testé telle ou telle préparation, et que cela le conduit à de bons résultats. Mais quand on essaie de me coller là-dessus un verbiage pseudo-scientifique à grands coups de vortex, d’énergie, de forces telluriques, de dynamisation, là j’ai tendance à voir rouge … Quand on ne sait pas expliquer de manière scientifique pourquoi quelque chose fonctionne (ça s’appelle de l’empirisme, et c’est tout sauf un gros mot), on laisse de côté le vocabulaire scientifique, tout simplement.

A part ça, une majorité de ma cave est constituée de vins issus de l’agriculture bio ou de la biodynamie … tout simplement car c’est aujourd’hui une pratique qui se répand chez les vignerons qui « font bon » 🙂


Pour en discuter sur le forum

2 Comments

  1. Super Eric !

    Tu finis par dire :
    « A part ça, une majorité de ma cave est constituée de vins issus de l’agriculture bio ou de la biodynamie … tout simplement car c’est aujourd’hui une pratique qui se répand chez les vignerons qui « font bon »  »

    Le tout est de savoir lequel de la poule et de l’oeuf est apparu en premier : est ce que les vignerons qui sont en bio font du bon grâce à cette méthode ou est ce que c’est principalement les bons vignerons qui passent en bio ?

  2. Je l’évoque en filigrane dans le billet : c’est je pense le souhait de mieux travailler qui a à la fois contribué à une amélioration de la qualité, et à une réflexion (« naturelle », urk urk) vers la conversion bio. Ceux qui font du bon en bio aujourd’hui faisaient je pense déjà du bon avant leur conversion.

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