L'incroyable chimie du champagneMais d’où viennent-elles, ces fameuses bulles? «De la fermentation, explique Gérard Liger-Belair. Lors de la fermentation, des levures transforment les sucres présents dans le raisin en alcool et en dioxyde de carbone (CO2). Pour les vins tranquilles, ce processus se fait dans des cuves ouvertes, ce qui permet au gaz de s’échapper dans l’air. Mais le champagne, lui, subit deux fermentations. Une première «classique», puis une deuxième appelée champagnisation, qui se fait à bouchon fermé. Le gaz reste prisonnier et le vin devient pétillant.»
Chaque flacon contient ainsi l’équivalent de cinq litres de CO2, ce qui génère une pression de 6 bars. «Si les bouteilles de champagne n’étaient pas aussi épaisses, elles exploseraient», souligne le spécialiste. Mais pour nous, le principal danger vient du bouchon. A l’ouverture, celui-ci peut être projeté à une vitesse de 50 km/h. Gare aux yeux, c’est à ce stade que les bulles entrent en jeu.
Tant que la bouteille est fermée, en effet, point d’effervescence. Mais lorsque le bouchon saute, le gaz carbonique emprisonné n’aspire qu’à se libérer: 80% s’échappent de manière invisible à la surface, les 20% restants forment les fameuses perles dorées. Jusqu’à deux millions par verre, si le nectar est siroté avec patience. «Les gens y voient un pétillement délicat, raconte avec gourmandise Gérard Liger-Belair. Mais sous l’œil du microscope, c’est une véritable éruption volcanique à l’échelle moléculaire.»
La magie commence. Mais pas n’importe où. Les bulles naissent uniquement là où il existe des impuretés, comme des microfibres de chiffon ou de la poussière. C’est pourquoi, lorsque l’on regarde sa flûte, on observe qu’elles montent en colonne à partir de quelques endroits seulement. «Ces sites de nucléation produisent de 20 à 30 sphères par seconde», précise Gérard Liger-Belair. Un magnifique ballet qui ne se produit pas dans un verre parfaitement propre, c’est-à-dire lavé à l’acide: «Le champagne ne fait pas de bulles s’il n’y a pas d’impuretés.» Ce qui serait bien dommage, parce que les précieuses influent sur l’équilibre du nectar. «Elles mettent le liquide en mouvement, ce qui accélère le relargage des arômes, poursuit le chercheur. A la différence des vins tranquilles, il n’est donc pas nécessaire de remuer sa coupe pour apprécier toutes les saveurs du champagne.»