Cépage et vin

Avant d’être une histoire de terroir et de vigneron, le vin est avant tout le fruit d’un cépage, c’est-à-dire d’une « variété » de vigne[1], la variété étant au botaniste ce que la race est au zoologiste. Pour faire simple, disons qu’un pied de vigne peut présenter autant de visages différents qu’un chien (taille du grain, couleur, épaisseur de la peau, forme de la feuille, longueur du poil …). Point n’est besoin d’être spécialiste pour constater qu’un grain de chasselas ne ressemble pas à un grain de raisin blanc Italia

Le cépage est le premier déterminant du style d’un vin

Il en conditionne la couleur, dont on a déjà parlé : on ne peut obtenir de vin rouge avec un cépage blanc.
Il détermine surtout l’acidité, la quantité de sucres (donc d’alcool potentiel) et de tannins qui caractériseront le vin plus tard.

Le cépage est fortement lié au terroir

Un cépage donné ne peut en effet donner sa pleine mesure sur tous les sols, dans toutes les régions. Certains sont plus adaptés aux climats très chauds et secs que l’on peut par exemple trouver à Bandol, d’autres aux climats plus frais et humides qu’on trouvera en Bourgogne. Certains s’expriment mieux sur des sols de galets roulés, d’autres sur des schistes, d’autres sur des terrains argilo-calcaires (si tout ça ne vous dit rien pour le moment, soyez patients !).
En partie pour ces raisons, mais également du fait de pratiques séculaires, le cépage est souvent rattaché à une région viticole. Quand le riesling prend son pied en Alsace (ou en Allemagne), il suffit de faire 200 kms vers le sud-ouest pour ne trouver quasiment que du chardonnay en Bourgogne. En continuant son chemin vers l’ouest, on trouve, en Loire, du chenin ou du sauvignon.
Quand certaines régions favorisent les vins mono-cépage (c’est le cas de l’Alsace, de la Bourgogne), d’autres privilégient les vins d’assemblage, résultant du mélange de plusieurs cépages : ainsi, à Châteauneuf-du-Pape, l’appellation autorise jusqu’à l’utilisation de treize cépages !

Les principaux cépages français

Sans se lancer dès maintenant dans un traité d’ampélographie, voici une classification sommaire des cépages les plus utilisés en France, dans les principales régions[2] :

  • Alsace : riesling, gewurtztraminer, pinot gris, sylvaner en blanc ; pinot noir en rouge
  • Bordeaux : cabernet sauvignon, merlot, cabernet franc en rouge ; sauvignon, sémillon en blanc
  • Bourgogne : pinot noir en rouge ; chardonnay en blanc
  • Loire : sauvignon, chenin en blanc ; cabernet franc, gamay en rouge
  • Rhône nord : syrah en rouge ; viognier, roussanne, marsanne en blanc

En Provence, Languedoc-Roussillon et Rhône sud, la diversité des cépages est beaucoup plus importante et on y retrouve entre autres :

  • syrah, grenache, carignan, mourvèdre, cinsault en rouge
  • grenache blanc, grenache gris, marsanne, roussanne, muscat, clairette, rolle, ugni blanc, sémillon, sauvignon en blanc

On peut trouver sur le net quelques cartes assez instructives sur la répartition géographique des cépages dans le vignoble français :

  • celles-ci illustrent la localisation des principaux cépages (rouges et blancs)
  • celle-ci est beaucoup plus détaillée, mais moins lisible (pdf)

Le cépage, un élément d’identification

Le cépage se retrouve au premier plan, emblématique de certaines appellations, de certains pays. On a coutume de dire, de manière assez caricaturale, que les vignerons de l’Ancien Monde (Italie, Espagne, France, Allemagne …) préfèrent mettre en avant la région, symbolique du terroir, alors que les vignerons du Nouveau Monde (Etats-Unis, Chili, Argentine, Australie, Nouvelle-Zélande …) s’appuient davantage, et pour certains presque exclusivement sur le cépage pour promouvoir leurs vins.
On parle ainsi de Saint-Joseph en France, mais plutôt de syrah en Australie ; de Sancerre, mais de sauvignon néo-zélandais ; de Bourgogne, mais de pinot noir californien. Dans chaque cas de figure, pourtant, le cépage est identique.

L’argument communément entendu (chez nous) est que le consommateur étranger, privé de notre connaissance immense et de notre culture vinique historique, doté d’une faculté de réflexion limitée, a besoin de repères simples pour s’y retrouver. Les 400 appellations et sous-appellations de la Bourgogne ne l’intéressent pas ; en revanche, si on lui dit qu’il s’agit d’un pinot noir, euh pardon d’un pea-no nwââ, son regard s’éclaire.

Mais c’est vrai dans tous les pays. Le public peu averti a besoin de repères simples pour choisir un vin. Si le cépage est effectivement sans doute un peu plus mis en avant outre-Atlantique, c’est parce que le vin y a été marketé de la sorte. Pinot, merlot, cabernet, zinfandel sont devenus des marques pour les consommateurs nord-américains. En France, les marques ne sont pas les cépages, mais les régions : le consommateur lambda achète un Bordeaux, un Bourgogne, un rosé de Provence, un Sauternes. Il devine, grosso modo, ce qui peut se cacher derrière l’étiquette. Mais ce n’est pas pour cela qu’il est plus averti des spécificités du sol, des climats, des manières de planter la vigne, de la travailler, de vinifier son jus …

Notes

[1] les plus curieux pourront aller faire un tour sur wikipedia pour apprendre que le cépage est en fait une version un peu restrictive de la variété, qu’on appelle cultivar. En effet il ne se reproduit pas à l’identique par semis, mais ne peut être multiplié que par voie végétative artificielle, ce qui produit des clones, au matériel génétique identique
[2] que les jurassiens, savoyards et corses me pardonnent … on aura l’occasion d’y revenir

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